B. Objectifs du calcul et caractéristiques nécessaires de l’outil

La réalisation d’un modèle de calcul par éléments finis comprend plusieurs étapes. Le choix de l’outil est primordial et dépend de plusieurs critères.

B.1 En fonction de l’objet à modéliser

Tout d’abord, le logiciel de calcul doit être adapté à l’objet à modéliser.

a) Entre un pont (ouvrage courant à faible portée ou ouvrage complexe à plusieurs travées), un bâtiment ou un ouvrage géotechnique (soutènement, tunnel, barrages…), les problématiques sont différentes.

En fonction de la taille de l’objet, on peut définir une ou plusieurs échelles de modélisation, notamment:

b) Un objet peut donner lieu à plusieurs modélisations qui se complètent entre elles.

EchelleGLOBALESEMI-LOCALELOCALE
Ouvrage d’ArtFlexion longitudinaleFlexion transversaleConcentrations de contraintes (zone d’ancrage ou de déviations des câbles, appui concentré)
BâtimentDescente de charge / Contreventement (vent, séisme) / Calcul dynamiqueFlexion locale des éléments horizontaux (planchers, radiers)Charges concentrées, accidentelles (zone d’ancrage, supports de machines)
GéotechniqueRemblais, soutènementArrachement tirant dans massif de sol, écoulement,…

c) Dans le cas d’une structure dont la cinématique de construction a un impact sur l’état final, le logiciel doit pouvoir autoriser la simulation complète du phasage, en permettant entre autres une activation sélective des éléments (comme la mise en tension des câbles de précontrainte et des haubans par exemple), ce qui permet de travailler sur la partie de structure en cours de construction.

d) Si un calcul dynamique est nécessaire (par exemple un calcul sismique avec prise en compte des effets du sol ou un calcul vibratoire ou encore un problème de dynamique rapide comme une explosion), il ne peut pas être traité avec tous les logiciels.

e) Les calculs non-linéaires ne sont pas systématiquement possibles (calcul avec non-linéarités matérielles, appuis élasto-plastiques, calcul des grands déplacements au second ordre pour la vérification au flambement, etc.)

f) Les modélisations de structure à câbles (dont la rigidité transversale à la flexion et à la torsion est peu importante par rapport à la rigidité longitudinale ) sont aussi particulières et assurées seulement par certains logiciels.

g) La détermination d’un champ thermique (chargement volumique déterminé à partir d’une variation de la température et du coefficient de dilatation thermique du matériau) peut nécessiter l’utilisation d’un module complémentaire au logiciel.

h) La modélisation des fondations, comme le cas d’un radier présentant un soulèvement, est généralement liée à des calculs non-linéaires et rejoint donc le point d).

B.2 En fonction de la phase d’étude

La phase d’étude d’un ouvrage a un impact sur le niveau de précision attendu des calculs.

A titre indicatif, le tableau ci-dessous présente le niveau de détail généralement attendu par phase. Selon les spécificités du projet et les souhaits du client, le contenu des phases peut néanmoins être amené à varier :

Objet \ Avancement Etude préliminaire AVP PRO EXE
Ouvrage d’Art, Bâtiment industriel, Ouvrage de GC Ratios, Retour d'expérience, Modèle global simplifié (modèle 2D de préférence) Modèle global Modèle global + vérifications semi-locales, voire locales pour points critiques Modèle global + semi-local + local généralisé

B.3 En fonction des objectifs de vérification

Pour un même objet et une même phase d’étude, on peut être amené à monter plusieurs modèles qui traiteront chacun de vérifications différentes.

Dans la mesure du possible, on cherche à ce qu’un même modèle réponde à un maximum de vérifications mais on doit souvent découpler les problématiques.

B.4 En fonction des résultats attendus

Les résultats exploitables par les différents logiciels peuvent influencer les choix.

a) Des modules intégrés de post-traitement rendent certains logiciels intéressants, notamment ceux qui permettent d’obtenir un ferraillage des sections de béton armé à partir des sollicitations, ou ceux qui incorporent la vérification de profilés métalliques au flambement/déversement ou la vérification d’assemblages classiques. Il est indispensable au préalable de vérifier la conformité du post-traitement avec les règlements de référence du projet.

b) Les types de résultats en sortie peuvent aussi être variés et plus ou moins adaptés (listings, diagrammes des efforts, cartographies, enveloppes des combinaisons avec ou sans conservation des concomitances).

B.5 En fonction des délais et des ressources

En termes de délais, et donc de budget, il faut bien distinguer le temps de modélisation (géométrie, chargements, combinaisons, …), le temps de calcul, le temps de mise au point/réglage (débogage des erreurs, vérifications des conditions aux appuis, …) et enfin le temps d’analyse. Ces durées peuvent varier de manière significative suivant les logiciels, car leur interface utilisateur est plus moins intuitive (interface de conception qui peut être soit graphique, soit programmable dans une fenêtre de commande ou par l’intermédiaire de tableurs). L’extraction des résultats n’est pas nécessairement immédiate, il peut être utile de repérer les points critiques.

Les ressources disponibles au sein du bureau d’études guident également le choix du type de calcul : le matériel informatique, sur lequel le logiciel est installé, doit être libre, tout comme la licence d’utilisation qui peut être accaparée par un autre utilisateur. Le planning de disponibilité des outils peut jouer sur les délais et, éventuellement, conduire à changer de logiciel.

Si le bureau d’étude possède un type de matériel à capacité réduite, le degré de complexité des calculs est diminuée d’autant. Et si le modèle de calcul compliqué est maintenu, le bureau d’étude ne doit pas « bricoler » un modèle adapté à la capacité de ses matériels, car les simplifications adoptées peuvent alors entraîner des problèmes de justesse des résultats. Le bureau d’étude a alors tout intérêt à sous-traiter le calcul.

Pour des ouvrages importants, il peut être préférable de mettre en œuvre deux niveaux de modélisation, en utilisant des sous-modèles, car un modèle unique peut vite devenir démesuré en taille, et être, de ce fait, difficile à structurer et à manipuler. Il faut cependant être capable de relier les modèles entre eux. Par ailleurs, le besoin de capacités de calcul spécifiques peut également conduire à la scission de modèles et à l'emploi de logiciels différents.

Une autre raison de scinder les modèles comme décrit ci-avant, peut être liée au calendrier des études (conséquence de l’organisation des projets) : le calcul de la totalité de l’ouvrage précède parfois de plusieurs mois, pour les projets importants, le calcul de certaines parties de l’ouvrage. Rien n’empêche, par post traitement, de pallier certaines lacunes du logiciel, en extrayant les résultats d’un sous-modèle et de les traiter manuellement ou par l’intermédiaire d’un autre logiciel.

Une ressource également importante est le personnel, c’est-à-dire l’ingénieur chargé de la modélisation. Celui-ci doit être formé à l’utilisation du logiciel. Dans le cas où ce dernier est novice en la matière, le temps d’apprentissage ne doit pas être sous-estimé, la durée de conception et de mise au point du modèle pouvant être amplifiée grandement. La mise en place d’un tutorat avec un ingénieur senior est fortement recommandée, malgré l'investissement en temps que cela représente.

B.6 En fonction du confort d’utilisation

Enfin, le confort dans l’utilisation du logiciel est primordial.

a) Un logiciel avec une notice complète (d’installation, de prise en main et d’exploitation) est toujours plus appréciable. La présence d’un catalogue d’exemples d’applications, de tutoriaux et de manipulations est un plus.

b) La possibilité de programmation (création puis lecture d’un code en texte dans un langage de programmation propre) permettant une entrée des données intuitive et rapide est un atout. Elle peut offrir de nombreuses possibilités à l’utilisateur, par exemple, automatiser la modélisation de structures-types simples et répétitives ou encore ajuster la mise en page des résultats, en fournissant des sorties textes ou Excel adaptées à la sous-structure étudiée.

c) La confiance dans le logiciel assure un gain de temps non négligeable, en évitant certaines vérifications superflues. Pour cela, la présence de mises à jour régulières est un indicateur, tout comme l’existence d’une hotline technique disponible et réactive, capable de fournir une assistance ponctuelle sur une modélisation spécifique. La confiance ne dispense bien sûr pas des vérifications de modèle explicitées dans ce guide.

d) La version du logiciel peut également jouer dans le choix, dans le cas où certaines fonctionnalités ont été ajoutées/enlevées ou lorsque la stabilité et/ou la rapidité d’une version n’est pas satisfaisante.

e) Certains logiciels possèdent des bibliothèques complètes (matériaux, profilés, boulons, assemblages…) qui génèrent un gain de temps. Des fonctionnalités spécifiques aux ouvrages de génie civil sont aussi possibles, comme l’application de chargements automatiques réglementaires (types A(l), Bc, LM1, LM2…).

f) Selon le règlement qui s’applique au projet, le logiciel peut proposer des charges, des combinaisons et des vérifications pré-programmées. C’est un élément de confort, mais qui doit toujours être vérifié sur des cas simples.

g) Un affichage de la structure en pseudo-volumique est un avantage, car cela permet de vérifier visuellement le type et l’orientation des profilés ou barres. En outre certains logiciels permettent un export 3D qui constitue un support de communication très utile en réunion avec les parties prenantes (voir en complément le chapitre E.3 pour la partie BIM).

h) Un logiciel qui spécifie la ligne du fichier de données présentant une erreur ou la liste des objets mal modélisés (superpositions, …) dans le modèle spatial offre un réel avantage. Les messages d’erreur doivent être clairs et précis (si possible dans la langue de travail de l’ingénieur).

Retour d'expérience:

Le REX (Retour d’expérience) est important : les réunions ou fiches REX doivent permettre de tirer les enseignements positifs et négatifs de projets en cours ou terminés. Elles portent sur les méthodes employées, mais aussi les moyens informatiques utilisés ou encore la production réalisée.


A suivre : B.7 Organisation du calcul


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