Comme expliqué dans le chapitre E, il convient de toujours vérifier cas de charge par cas de charge (permanentes, d’exploitation et thermiques), par une somme manuelle des charges , le torseur global des charges : résultante en force mais aussi en moment. (Les logiciels dans leur grande majorité permettent de sortir le torseur global).
Il est important, dès la modélisation achevée, de prévoir des cas de charges tests qui permettent de valider le bon comportement d’ensemble du modèle.
On pourra par exemple prévoir des forces unitaires uniformément reparties selon les 3 directions, des forces unitaires ponctuelles et en complément des variations de température. Et pour ces cas de charges, on examinera les déformées (ordres de grandeurs usuels en génie civil, discontinuités cinématiques ou de maillage, …) et les réactions d’appui (toutes forces supposées appliquées doivent se retrouver dans les réactions).
Ces tests permettent ainsi de vérifier les raideurs, les conditions aux limites et les liaisons internes. Ils permettent également ensuite de vérifier les cas de charge plus complexes (ordre de grandeur des effets).
La plupart des logiciels permettent de prendre en compte automatiquement un poids propre calculé à partir des sections des éléments et du poids volumique du matériau.
Cette méthode directe doit faire l’objet d’une vérification systématique. En particulier, les simplifications géométriques nécessaires à la modélisation peuvent induire un poids propre différent de celui calculé à partir des plans. Une approche manuelle rigoureuse des métrés ne devrait pas conduire à un écart supérieur à 5 %. Quoi qu’il en soit, tout écart doit toujours pouvoir être justifié.
Dès que les sections résistantes s’éloignent des sections brutes de la structure (par exemple en cas de prise en compte de la fissuration, du traînage de cisaillement ou de sur-épaisseurs sacrificielles), il convient de redéfinir le cas de charge Poids propre sans l’option automatique ou de redéfinir des caractéristiques de matériaux qui en tiennent compte, groupe d’éléments par groupe d’éléments.
Les charges surfaciques sont généralement appliquées sur la fibre moyenne de l’élément de plaque. Il faut tenir compte, dans l’intensité et le périmètre de cette charge surfacique, de la diffusion des charges jusqu’à la fibre moyenne, en intégrant l’éventuelle diffusion au travers de l’épaisseur du revêtement.
Par ailleurs, il faut vérifier si la charge surfacique est appliquée suivant la normale à l’élément (repère local) ou selon le repère général du modèle.
Certaines charges (neige par ex.) sont définies par rapport à une surface de référence (l’horizontale pour la neige), il convient donc d’en tenir compte dans l’application à des surfaces non parallèles à ce plan de référence (cas de la toiture inclinée pour la neige). Souvent dans les logiciels, il faut préciser explicitement si une charge est projetée ou non.
D’autres types de charges (vent, pression hydraulique, …) sont quant à elles toujours perpendiculaires aux surfaces.
Enfin, on vérifiera toujours l’orientation des charges et comme pour le poids propre, les déformations et les réactions d’appui.
Voir les exemples ci-dessous.
Exemple de la buse avec chargement de la poussée des terres
Problématique : modéliser une charge linéique, sur une surface inclinée.
Les logiciels proposent des options lors de la définition du chargement, qui ne sont parfois pas très explicites.
Cas 1 : Charge définie dans le repère global utilisateur
La charge introduite sur la barre, est définie comme une charge horizontale au mètre linéaire de l’élément.
Cas 2 : Charge définie dans le repère projeté
La charge introduite sur la barre, est définie comme une charge horizontale au mètre linéaire mesuré perpendiculairement à l’action de la charge (une verticale dans le cas présent).
Conseil : Toujours vérifier, sur un exemple simple, que l’option utilisée correspond bien à la modélisation de chargement souhaitée.
Les charges linéaires sont également concernées par ces problèmes de diffusion et de repère.
Nota : dans le cas d’une poussée des terres, la modélisation à utiliser est la seconde, à savoir une projection des charges sur un plan vertical.
Les charges thermiques sont constituées de deux types de charges :
Il est indispensable d’utiliser des cas test pour vérifier la prise en compte correcte des phénomènes thermiques en cohérence avec le bridage de la structure.
Il est à noter que les charges thermiques ne créent des efforts (ou des contraintes) uniquement si la structure n’est pas libre de se déformer (bridages, structures hyperstatiques, …)
La fissuration du béton peut jouer un rôle important dans la distribution des efforts (voir 11.5 ci-après).
A défaut d’une option spécifique du logiciel, la modélisation du retrait du béton peut être réalisée par l’application de cas de charge thermique équivalents.
La modélisation du fluage peut être réalisée par des cas de charges thermiques ou réduction du module élastique des matériaux.
Il convient de bien vérifier que les déformations imposées sont conformes au phénomène attendu.
En cas de doute, il est toujours possible de réaliser des calculs en fourchette, pour encadrer le court et le long terme (cas des ponts mixtes, des fondations, …)
Description détaillée: modélisation du retrait dans les ponts mixtes
Lien vers la modélisation du retrait dans les ponts mixtes
La compréhension du concept de ligne d’influence est fondamentale pour la bonne appréhension des positionnements des convois et permet d’éviter la constitution de cas de charges trop nombreux.
Dans le cas d’ouvrages complexes, le concept n’est pas facilement applicable, néanmoins on peut toujours générer des lignes d’influence en plaçant des forces unitaires aux différents nœuds de la structure. Les résultats, une fois post-traités, avec un tableur par exemple, permettent alors de placer les charges tant surfaciques que mobiles pour produire l’effet le plus défavorable.
Les règlements définissent très fréquemment des modèles de charges qui combinent des charges de différentes natures avec des règles de concomitance et de configurations géométriques précises. Il convient de les lire attentivement et intégralement. Ceci permettant alors grâce aux lignes d’influence de positionner les charges à la position défavorable pour l’effet étudié (flèches, efforts, …).
Chargements suivant les lignes d’influence.
Cas des charges réparties sécables et des convois avec espacement variable des véhicules
A notre connaissance, tous les règlements imposent de charger les structures suivant les lignes d’influence. Les pratiques métier ou la phase dans laquelle se trouve le projet (EP, AVP, voire PRO) peuvent conduire à des simplifications : chargement de deux travées contigües, chargement de travées complètes en alternance (« une sur deux ») …
Dans le cas des ouvrages d’art, et en particulier pour les calculs d’Exécution, le chargement par lignes d’influence est obligatoire, et on ne peut pas se contenter de charger des travées complètes ou de faire circuler des convois à touche-touche.
Il convient donc de s’assurer que le logiciel utilisé est bien capable d’effectuer des calculs suivant les lignes d’influence (LI), c’est-à-dire d’adapter les longueurs chargées ou d’adapter le nombre et l’espacement des véhicules d’un convoi pour obtenir la situation la plus défavorable, pour un effet recherché, par exemple le moment, la réaction d’appui ou encore une déformée, …
1) Charges de type UDL de l’Eurocode. Nous recherchons l’effort tranchant maximal (i.e. en valeur positive ou négative) à mi-travée d’un pont à deux travées égales (2×25 m) et de section constante. Nous savons que la ligne d’influence de l’effort tranchant à mi-travée a l’allure suivante :
A défaut de mieux, on pourrait être tenté de charger une ou deux travées complètes.
Le diagramme ci-après montre, pour une charge unitaire de 10 kN/m, l’enveloppe des tranchants pour les cas :
A mi-travée 1, on obtient |V|max = 31.3 kN :
Le diagramme ci-après montre le même diagramme de tranchant, mais avec une poutre chargée suivant les LI :
On obtient |V|max = 53.7 kN, soit un écart relatif conséquent.
On pourrait répéter l’exercice pour toutes les sections.
Ceci était encore plus vrai pour les charges du fascicule 61 titre II, que nous sommes encore amenés à utiliser, lors de recalculs par exemple, il s’agit notamment :
2) Illustration sur le pont précédent pour le cas du convoi Bc pour le moment sur appui
La ligne d’influence du moment sur appui a l’allure suivante :
Une étude fine serait à réaliser pour trouver la position précise des camions, mais on se rend immédiatement compte (ici pour des travées de 25 m - rappel) que les camions doivent être séparés pour obtenir un effet maximal :
Application : nous faisons circuler sur le pont deux convois, le premier, avec les deux camions à touche-touche, comme dessiné dans le règlement, et le second, avec une distance de 28.80 m environ (déterminé graphiquement).
Les résultats :
Camions à touche-touche, enveloppe et position défavorable.
Camions séparés, enveloppe et position défavorable.
L’écart sur les moments sur appui est de l’ordre de 13%. A contrario, bien évidemment, le cas de charge utilisé pour obtenir le moment sur appui maximal n’est pas celui à utiliser pour les travées.
De manière pratique, on se rend rapidement compte que la détermination des longueurs chargées et/ou positions et espacements de convois, pour toutes les sections et pour toutes les valeurs d’intérêt, est une tâche titanesque à la main, et que l’aide du logiciel est indispensable – encore une fois pour des calculs de niveau EXE. Pour les autres phases, des calculs simplifiés, en conservant une certaine marge sur les justifications et les quantités reste possible, notamment en étudiant certaines sections judicieusement choisies sur l’ouvrage, mais ceci sort du cadre du présent document.
Ensemble des cas de charges et résultats pour les charges réparties. Travée 1, travée 2 et travées 1+2 :
Chargements suivant Li :
De manière générale, les actions générées par les sols (la poussée par exemple), les pressions d’eau ou encore les actions sismiques sont modélisées par des charges. Les réactions (pressions sur le sol, pouvant aller jusqu’à un seuil plastique, la butée, …) sont, elles, représentées par des ressorts linéaires ou non.
Les approches sismiques linéaires sont admises tant que le soulèvement des fondations est limité à 30% de la surface de ces dernières. Piège : on n’applique pas de forces de réactions sur une face bloquée par des ressorts… on laisse les ressorts faire le travail.
Nota : une approche en déplacements est également possible pour modéliser les charges de poussée et peut conduire à réduire les efforts globaux (cf. Guide AFPS / AFTES . GUIDE “Conception et protection parasismiques des ouvrages souterrains »).
A suivre : C.12 Compléments liés aux éléments volumiques