Rappelons qu'utiliser une combinaison d’actions consiste à cumuler les effets structurels de différentes actions, en affectant des coefficients de pondération aux différentes actions, pour correspondre aux combinaisons qui sont définies dans les normes.
En toute rigueur, les règlements demandent de vérifier toutes les combinaisons. Dans le cas d’un bâtiment, le nombre de ces combinaisons reste limité et il est possible pour le logiciel de toutes les calculer. En revanche, dans les cas complexes et notamment dans le cas des charges roulantes, le nombre théorique de combinaisons devient ingérable ; on utilise alors les enveloppes d’efforts.
Une enveloppe est constituée de plusieurs cas de chargement et enregistre uniquement les valeurs extrêmes des différentes composantes (avec les composantes concomitantes).
Conformément aux règlements, certaines actions sur les structures ne sont pas à cumuler, l’occurrence de l’une étant incompatible avec celle de l’autre. Il est alors utile d’intégrer ces actions non cumulables dans une enveloppe, qui va retenir, pour chaque effet étudié, l’action la plus défavorable parmi un groupe d’actions non cumulables. Pour les ponts, on a ainsi classiquement l’enveloppe des actions thermiques, l’enveloppe des actions du vent et l’enveloppe des charges routières.
Rappelons que vouloir cumuler des cas unitaires calculés par une approche non linéaires (NL) n'a pas de sens physique. Certains logiciels autorisent cependant des calculs non linéaires sur des “combinaisons”. Dans ce cas, le logiciel va recréer un cas (la “combinaison”) à partir des cas de charges unitaires et effectuer le calcul NL sur cette somme de charges. Si le logiciel ne le permet pas, il faudra créer des combinaisons en regroupant à la main les charges unitaires. Dans ce cas de figure, il est, encore une fois, fondamental de comprendre ce que fait le logiciel.
Illustration du texte ci-avant sur un exemple
Il s'agit d'une galerie secondaire d'un tunnel. La structure est intégralement appuyée sur des ressorts non linéaires - le sol ne reprenant pas de traction, les ressorts sont neutralisés par le logiciel s'il y a un décollement sol-structure.
Schéma de la structure
On définit les deux cas unitaires suivants:
Charges gravitaires (à gauche) et charges de sous-pressions d'eau (à droite)
Les résultats suivants montrent que bien que le logiciel soit capable de calculer tous les cas unitaires en non-linéaire, la combinaison des deux cas est recalculée intégralement et indépendamment…
Résultats des cas unitaires: moments de flexion - charges gravitaires (à gauche) et charges de sous-pressions d'eau (à droite)
Résultats de la combinaison des deux cas : moments de flexion - combinaison logiciel (à gauche) et cumul des charges dans un nouveau cas créé manuellement à partir des cas unitaires (à droite) - résultats identiques
… puisque le cumul des cas unitaires n'aboutit pas aux résultats de la combinaison.
Le diagramme des pressions sur le sol est parlant: les sous-pressions d'eau forcent la voûte à s'appuyer sur le sol en partie haute “vers le haut” (figure de droite) …
Pressions sur le sol sous charges gravitaires (à gauche) et sous charges de sous-pression d'eau (à droite)
… mais une fois cumulé au cas des charges gravitaires, le sommet de la voûte ne pousse plus vers le haut, ce que l'on voit sur les résultats de la combinaison faite par le logiciel:
Pressions sur le sol de la combinaison des charges gravitaires et des sous-pressions
Remarque: sans ressorts sur la voûte, le second cas ne convergerait pas.
L’utilisation des enveloppes entraîne l’enregistrement en base de données des déplacements, des valeurs extrêmes d’efforts, de contraintes ou de réactions d’appui.
La plupart des logiciels de calcul offrent la possibilité de stocker les valeurs extrêmes des efforts et contraintes, soit seules, soit accompagnées des valeurs des efforts et contraintes concomitantes.
Il convient de bien comprendre, avant d’utiliser les résultats des enveloppes pour des post- traitements ultérieurs, si les efforts et contraintes sont ou non concomitants.
Par exemple, si on veut reconstituer l’état de contrainte le plus défavorable d’une section, il convient de vérifier que les contraintes extrêmes que l’on retient pour les fibres supérieure et inférieure sont bien concomitantes.
Penser également à baser l'analyse des résultats, non seulement sur les sollicitations les plus défavorables avec leurs concomitances, mais aussi sur les sollicitations concomitantes qui génèrent les états de contraintes les plus défavorables. Un effort normal maximal associé à un moment concomitant petit peut ainsi générer des effets moins défavorables qu'un effort normal un peu plus petit, mais associé à un moment plus grand.
Pour la vérification d’une section, il est acceptable dans des phases très amont de faire la vérification avec tous les efforts extrêmes dans un même torseur ; mais en phase d’exécution, pour des questions d’optimisation, il convient de récupérer des torseurs d’efforts concomitants.
L’utilisation des combinaisons d’actions est différente entre le bâtiment et les ouvrages d'art.
Dans le bâtiment, les cas de charges élémentaires induisent de très nombreuses positions possibles qui doivent toutes être explorées pour déterminer les effets maximaux sur chaque élément de structure. Cette multiplicité de charges et de configurations amène très naturellement à l’utilisation de modules de combinaisons automatiques.
De manière générale, l’utilisation des modules de combinaisons automatiques proposés par la plupart des logiciels doit être assortie de précautions particulières car c’est une source fréquente d’erreurs. Certains modules relèvent de la boite noire et tous les logiciels ne permettent pas de savoir directement quels sont les cas de charge élémentaires dimensionnants dans les combinaisons enveloppes.
De plus, la vérification et le codage des combinaisons est un exercice fastidieux et il est difficile de détecter une erreur.
Une des méthodes les plus efficaces pour se prémunir des erreurs liées aux combinaisons et enveloppes consiste à faire l’exercice de décorticage des efforts et contraintes dimensionnants. Il s’agit pour quelques efforts ou contraintes clés de la structure (moment de flexion maximum, contraintes extrêmes) de retrouver la participation de chaque cas de charge élémentaire dimensionnant dans l’effort ou la contrainte globale. On peut ainsi vérifier qu’il n’y a pas d’erreur dans les cumuls et les coefficients et que les cas de charge « logiques » sont bien dimensionnants.
Pour le bâtiment, le même exercice peut être fait sur les réactions d’appui.
A suivre : D.3 Exploitation des résultats