Les sources d’incertitude sont nombreuses en géotechnique. La première réside dans la relative méconnaissance de la géométrie des couches de sol constituant le massif étudié. Outre la connaissance de la géologie de la région où est implanté l’ouvrage étudié, les principales sources d’information sont les sondages effectués sur le site du projet. L’extrapolation entre les sondages, surtout s’ils sont éloignés les uns des autres et pas localisés précisément à l’emplacement de l’implantation définitive de l’ouvrage (qui peut être modifiée après les reconnaissances, par exemple dans le cas des tunnels), ne donne pas nécessairement une représentation exacte des variations locales d’épaisseurs des couches.
En zone urbaine, la présence d’hétérogénéités (caves, puits, fondations d’ouvrages antérieurs) est souvent difficile à détecter.
L’autre source d’incertitude, déjà évoquée, concerne l’état initial des contraintes (et des pressions interstitielles éventuellement) dans le massif de sol. Elle peut avoir une influence majeure sur les résultats du calcul : c’est particulièrement clair dans le cas des tunnels, où les chargements pris en compte dépendent des contraintes initiales.
Enfin, le choix des modèles de comportement et la détermination des paramètres de ces modèles introduisent une incertitude importante sur la représentativité des calculs : si le modèle de comportement ne capte pas un phénomène qui contrôle le comportement de l’ouvrage, le résultat peut être qualitativement et quantitativement très éloigné de la réalité.
De manière générale, l’utilisateur doit être conscient des objectifs du calcul qu’il entreprend : la démarche est différente selon qu’on cherche à justifier un dimensionnement ou à évaluer l’influence de certaines dispositions constructives (le nombre et la position des butons par exemple).
Il faut également être conscient des choix de modélisation sur lesquels le calcul repose (même si ces choix sont parfois en partie imposés par le logiciel qu’on utilise). Il faut en particulier être en mesure d’identifier les phénomènes à prendre en compte, ce qui conduit à choisir une analyse quasi-statique ou dynamique, avec ou sans prise en compte du couplage hydromécanique, etc.
Il convient de choisir entre un calcul 2D et un calcul 3D. Les calculs tridimensionnels restent pour le moment rares, à cause du temps de préparation des calculs. Pour certains problèmes, cependant, il ne fait pas de doute que des calculs bidimensionnels ne peuvent donner qu’une indication très pauvre du comportement de l’ouvrage étudié, quel que soit le soin apporté à la détermination des paramètres de sol. Ainsi par exemple, l’étude de la stabilité du front de taille d’un tunnel ne peut pas vraiment être envisagée en dehors d’un contexte tridimensionnel. Il en va de même pour l’étude du renforcement du front de taille d’un tunnel par des boulons. Le développement de pré-processeurs dédiés à des applications particulières devrait permettre de recourir plus facilement à des calculs tridimensionnels et améliorer la représentativité de nombreuses analyses par éléments finis.
En géotechnique, le choix des paramètres de sol doit faire l’objet d’une attention particulière : il pourrait faire l’objet d’un livre entier. La plupart des modèles de comportement évolués ne s’accompagnent pas d’une procédure d’identification des paramètres détaillée et robuste, principalement parce qu’on ne sait pas résoudre les équations du modèle même pour un problème simple comme celui de la compression à l’appareil triaxial. On est donc amené à caler les paramètres en faisant en sorte que la modélisation d’essais triaxiaux par exemple donne des résultats en accord satisfaisant avec les résultats d’essais qu’on peut avoir. On procède par tâtonnements, et l’accord obtenu étant évalué de manière subjective (parce qu’on peut choisir de mieux reproduire une partie ou une autre des courbes expérimentales), il n’est pas garanti que deux utilisateurs retiennent les mêmes valeurs des paramètres à partir des mêmes essais. De ce point de vue, tous les modèles de comportement n’ont pas les mêmes qualités : certains disposent d’un grand nombre de paramètres qui ont chacun une influence sur un aspect particulier de la réponse du sol (mais qui n’apparait pas forcément dans les résultats d’essais dont on dispose) ; d’autres modèles ont au contraire un nombre relativement réduit de paramètres, mais chacun d’eux peut modifier simultanément plusieurs aspects de la déformabilité du sol : cela ne facilite pas le calage.
La dernière recommandation que l’on doit absolument garder à l’esprit est que l’utilisateur doit vérifier autant que possible son calcul. Il n’existe pas encore d’outils généraux pour mesurer la qualité d’un calcul : des travaux de recherche visent à fournir des estimateurs d’erreur a posteriori mais leur utilisation en géotechnique reste rare. Il est donc nécessaire de regarder en détail les résultats du calcul : certaines incohérences sont parfois faciles à détecter. En cas de doute, il est utile de faire contrôler ses résultats par un œil extérieur. En tout état de cause, il est vivement indiqué de réaliser des études paramétriques pour se faire une idée de l’influence de certains facteurs, en particulier des paramètres de sol, si l’on n’est pas certain que leur influence sur les résultats est modérée et qu’on a pu déterminer leur valeur avec une précision acceptable.
A suivre : F.6 Aspects normatifs : Principes de l'Eurocode 7
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