Modélisations et calculs aux éléments finis dans le domaine du génie civil - Bilan du groupe de travail 2016-2019
La modélisation numérique a toujours eu un lien particulier avec les normes de calcul qui se focalisent essentiellement sur la vérification d’états limites ultimes avec le calcul d’un coefficient de sécurité ou d’un équilibre de forces intégrant des coefficients partiels. En effet, la modélisation numérique fournit avant toute chose des valeurs de déplacements et de déformations et est donc un outil très adapté à la vérification des états limites de service (ELS) pour lesquels les coefficients partiels sont égaux à 1,0. Son utilisation pour la vérification des états limites ultimes (ELU) a donc paru limitée dans un premier temps. Désormais, notamment avec les procédures de réduction des propriétés de cisaillement des terrains (par exemple, la procédure de type « c-phi reduction »), il est aisé de calculer un coefficient de sécurité. Il est aussi possible, à travers les procédures suggérées par certaines normes de calcul, notamment l’Eurocode 7, de considérer les résultats d’une modélisation numérique tant pour la vérification des états limites ultimes que pour celle des états limites de service.
L’Eurocode 7 dans sa version actuelle n’est toutefois pas forcément très clair quant à l’analyse et l’exploitation des résultats issus d’une modélisation numérique. En effet, les trois approches de calcul proposées par l’Eurocode 7 qui permettent d’appliquer des coefficients partiels sur les actions, les effets des actions (moments fléchissants et efforts tranchants dans un écran de soutènement, effort axial dans un pieu, etc.), les propriétés des terrains (c et ou cU) et les résistances géotechniques ont été pensées pour être utilisées avec des méthodes d’équilibre limite. Les vérifications liées à l’application des Eurocodes sont principalement transcrites sous la forme de comparaisons entre des actions ou des effets des actions et des résistances. Néanmoins, un certain nombre de publications (Potts et Zdravkovic, 2012, Tschuchnigg et al., 2015, etc.) et les compte rendus de différents groupes de travail réunis en vue de la mise au point de la seconde génération des Eurocodes permettent d’esquisser des procédures de vérifications. En premier lieu, il est important de souligner que la pondération « à la source » des propriétés des sols ou des roches, c'est-à-dire la possibilité de réduire la cohésion et l’angle de frottement avant de réaliser le calcul n’est pas admise car elle conduit à générer des résultats qui ne peuvent pas être interprétés. Différentes procédures sont toutefois utilisables et sont synthétisés dans le tableau ci-dessous.
Synthèse des différentes types de vérifications aux ELU
Type de vérifications aux ELU | 1 – ELU structurels | 2 – ELU géotechniques (et structurels) | 3 – ELU géotechniques | 4 - ELU structurels (et géotechniques) |
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Type de procédures | Multiplication des effets des actions par 1,35 | Réduction des propriétés de cisaillement des terrains | Estimation de la résistance mobilisée autour d’un ouvrage géotechnique spécifique (pieu, tirant, etc.) | Augmentation des charges appliquées sur l’ouvrage géotechnique |
Commentaires | A combiner avec la vérification des ELU géotechniques | A combiner avec la vérification des ELU structurels | A combiner avec la vérification des ELU structurels | A priori, cette approche se suffit à elle-même |
L’approche qui tend à s’imposer consiste à réaliser un calcul avec des valeurs caractéristiques tant pour les charges que pour les propriétés des terrains pour atteindre un premier état d’équilibre. Par rapport à cet état d’équilibre, deux types de vérifications sont à réaliser. La première de type 1 est relative aux ELU structurels et consiste à multiplier les effets des actions calculés par 1,35 (c'est-à-dire le coefficient habituellement considéré dans les Eurocodes pour les charges permanentes défavorables). La seconde de type 2 est relative aux ELU géotechniques et consiste à réduire de manière progressive les propriétés de résistance au cisaillement des terrains modélisés pour mettre en évidence un mécanisme de rupture. Le facteur de réduction appliqué peut être considéré comme un coefficient de sécurité mais son interprétation peut être sujette à discussion. En effet, lors de la réduction de propriétés de cisaillement, différents éléments peuvent interagir comme les fonctions d’écrouissage ou les règles d’écoulement. Dans le cas de calculs associant des éléments volumiques et des éléments de structure de type « barre » ou « poutre », cette vérification peut aussi être utilisée pour vérifier les ELU structurels. En effet, les déplacements accumulés au cours de la procédure de réduction des propriétés de résistance au cisaillement engendrent des efforts dans les éléments de structure dont l’interprétation n’est pas complètement partagée par l’ensemble des chercheurs ou ingénieurs. L’utilisateur doit donc être très prudent sur la manière donc ce type de procédures est implémenté. La figure 7.1 présente comment s’enchaînent les vérifications de type 1 et 3 dans le cas d’un calcul phasé.
Les ELU géotechniques peuvent être aussi appréhendés de manière spécifique en considérant la résistance mobilisée autour de l’ouvrage géotechnique à dimensionner, un pieu, un tirant d’ancrage, etc. et à la comparer à la résistance mobilisable fournie par l’application des normes, par exemple, les règles pressiométriques pour le calcul de la portance des pieux : c’est la procédure de type 3 et elle doit forcément être associée à la procédure de type 1 en ce qui concerne les ELU structurels.
Dans certaines configurations, notamment des pieux ou des semelles, il est aussi possible de faire croître les actions appliquées sur l’ouvrage géotechnique à dimensionner pour directement obtenir l’effort maximal applicable et en déduire un coefficient de sécurité : c’est l’objet de l’approche de type 4.
De manière plus générale, les méthodes permettant de justifier les ELU géotechniques doivent permettre, soit de déterminer un mécanisme de rupture et de vérifier que l’on dispose de suffisamment de marge vis-à-vis du déclenchement de ce mécanisme (c’est l’objet des vérifications de type 2 et 4), soit de comparer la résistance mobilisée à une résistance mobilisable que l’on peut calculer par ailleurs (c’est l’objet de la vérification de type 3).
Enchaînement des vérifications aux ELU dans un calcul phasé
Quand le mécanisme de rupture est associé à l’action de l’eau alors des précautions particulières sont à prendre. En effet, les procédures décrites précédemment ne permettent pas correctement de calculer un coefficient de sécurité si le mécanisme de rupture résulte exclusivement de l’action de l’eau. En premier lieu, il faut définir si le mécanisme de rupture est lié à un défaut d’équilibre mécanique (par exemple, un niveau trop haut en arrière d’un écran de soutènement) ou à un problème hydraulique (par exemple, un gradient hydraulique trop élevé). Dans le cas d’un défaut d’équilibre mécanique, il est nécessaire de réaliser une étude paramétrique relative au niveau de la nappe de manière à pouvoir estimer son effet en mettant en œuvre les vérifications aux ELU présentées dans le tableau précédent. Dans le cas d’un problème hydraulique, il est possible de comparer le gradient calculé à un gradient critique calculé par ailleurs et aussi de vérifier que les contraintes effectives restent positives en tout point du massif (la condition sur le gradient critique étant plus conservatrice que la condition sur la contrainte effective).
A suivre : F.7 Modélisation en dynamique
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