Modélisations et calculs aux éléments finis dans le domaine du génie civil - Bilan du groupe de travail 2016-2019
Thierry Kretz était président du Conseil Scientifique et Technique de l'AFGC au moment du lancement du groupe de travail sur les éléments finis. Il nous livre sa vision de ce travail.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que le calcul aux éléments finis des structures de génie civil relève d’un changement de paradigme dans le calcul des structures. Il est en effet possible de transposer à l’ingénierie des structures le concept de paradigme défini par Thomas Kuhn dans La structure des révolutions scientifiques : les paradigmes sont des « découvertes scientifiques universellement reconnues, qui pour un temps, fournissent à une communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions ».
Malgré son caractère apparemment classique, l’émergence du calcul aux éléments finis est bien une révolution de cette nature. L’ancien monde est celui de la résistance des matériaux classique, basée sur l’hypothèse de Saint Venant et l’hypothèse de Navier-Bernoulli, qui se traduisent dans la théorie des poutres et la théorie des plaques minces. L’ancien monde s’appuie donc sur un ensemble cohérent d’hypothèses et de méthodes de résolution, puis de traduction des résultats en principe de dimensionnement des structures et de leurs renforcements.
Le nouveau monde, celui des éléments finis dans toute leur généralité, se construit sur d’autres bases. Le comportement des matériaux eux-mêmes n’est pas remis en cause, mais les hypothèses de calcul des structures changent. Elles concernent d’une part le maillage, c’est-à-dire le principe et la finesse de discrétisation des structures, d’autre part le choix des types d’éléments, c’est-à-dire les champs de déplacements considérés. Les résultats demandent de nouvelles méthodes d’analyse, pour permettre le dimensionnement sûr des structures et de leur renforcement.
Les règlements de calcul, et en particulier les Eurocodes, sont très largement établis dans la logique des théories classiques d’application de la RDM. Ils proposent des règles simples, largement basées sur l’expérience, et dont le domaine de validité est bien connu. Il s’agit par exemple de l’inclinaison des bielles d’effort tranchant, du dimensionnement des consoles courtes, du contrôle du poinçonnement, etc… Ces règlements autorisent le calcul des structures aux éléments finis, mais restent discrets sur les méthodes de calcul (maillage, choix des éléments) et d’interprétation des résultats. Différentes techniques existent pour traduire les résultats dans des termes compatibles avec les règlements, mais il est certain que « la doctrine du calcul aux éléments finis » est encore en cours d’élaboration.
Le guide de l’AFGC que vous avez entre les mains vise à contribuer à l’établissement de cette nouvelle doctrine. Il reflète la volonté de l’AFGC d’accompagner le développement et l’innovation dans le domaine du Génie Civil, en étant le lieu de partage et de transmission des savoirs et des avancées techniques.
Je remercie le groupe de rédaction et en particulier les deux animateurs, Didier Guth et Claude le Quéré, pour leur travail remarquable et je suis persuadé que ce guide, complété par le site web, restera longtemps un ouvrage de référence pour les ingénieurs des bureaux d’études.
Thierry Kretz - mai 2020
A suivre : Le mot du Conseil Scientifique et Technique de l'AFGC