Modélisations et calculs aux éléments finis dans le domaine du génie civil - Bilan du groupe de travail 2016-2019
Les ouvrages géotechniques associent souvent des couches de sol et des structures métalliques ou en béton, qui sont généralement beaucoup plus raides que le sol. L’interaction peut être limitée à quelques points d’appui de la structure sur le sol, ou être continue sur une surface significative, à l’extrados d’un tunnel, ou sur une paroi de soutènement.
L’interaction sera traitée de manière plus ou moins précise selon le cas.
Dans le cas des tunnels par exemple, on considère très couramment une adhérence parfaite entre le sol et la voûte d’un tunnel, en raison du mode de construction : avec les méthodes traditionnelles (séquentielles), le soutènement est constitué de béton projeté directement sur la surface de terrain découverte par l’excavation, ce qui assure en principe une bonne continuité du déplacement ; lors du creusement au tunnelier, on s’efforce d’assurer une bonne transmission des efforts entre le terrain et les voussoirs en procédant à des injections de bourrage pour remplir l’espace entre l’anneau et le terrain. Dans les tunnels anciens, les pathologies observées (ou des essais effectués dans le tunnel) peuvent cependant laisser penser que le contact est localement perdu entre la voûte et le terrain, par exemple à cause de circulations d’eau qui ont pu lessiver le terrain : la modélisation doit alors décrire de manière plus précise les conditions de contact entre le terrain et la voûte.
Les tunnels construits en tranchée couverte constituent un problème différent, dans la mesure où l’on remblaie le terrain autour de la structure. La modélisation de cette opération peut demander de prendre en compte explicitement, à l’aide d’éléments spécifiques, l’interface entre la voute et le sol.
Il est courant également d’introduire une modélisation explicite de l’interface entre le sol et la structure pour les soutènements, lorsqu’on remblaie derrière un mur (le phénomène de glissement du sol à l’interface avec la structure étant analogue à celui mis en jeu pour les tranchées couvertes), ou lorsqu’on excave devant une paroi moulée par exemple, le massif de sol soutenu pouvant glisser et présenter un déplacement vertical plus important que la tête de la paroi.
La question de la modélisation d’une interface entre les sols et les structures doit être examinée au cas par cas. On peut introduire des éléments de contact ou d’interface spécifiquement destinés à représenter l’interaction mécanique entre les deux, mais ces éléments introduisent de nouveaux paramètres, qui ne sont pas forcément simples à identifier (les raideurs normale et tangentielle de l’interface). Cette approche de modélisation présente un risque : les éléments d’interface tendent à contrôler le comportement de l’ouvrage et à estomper le rôle du comportement du sol, donnant l’impression que la réponse de l’ouvrage ne dépend pratiquement plus du sol.
Dans de nombreux cas, le sol est renforcé par des inclusions présentant des caractéristiques de raideur et de résistance très élevées. Ces inclusions sont réparties de manière discrète dans le sol et très élancées : pieux, micropieux, tirants d’ancrage, armatures de murs en sol renforcé. Cette particularité géométrique pose différentes difficultés. En premier lieu, en toute rigueur, une file de pieux n’est pas équivalente à un mur continu, et l’utilisation de calculs en déformation plane n’est pas justifiée. En pratique, on est conduit à adopter, pour le mur du calcul plan, des caractéristiques mécaniques « équivalentes » à celles de la file de pieux, moyennant des hypothèses plus ou moins difficiles à justifier. Il en va de même pour les paramètres de l’interface mécanique entre le sol et les pieux / le mur. La difficulté est la même si l’on représente le mur par des éléments surfaciques ou par des éléments linéiques de type poutre.
Pour lever cette difficulté, on peut recourir à une modélisation tridimensionnelle. Mais, à cause des dimensions de la section des inclusions, il n’est pas possible de représenter dans le maillage la géométrie réelle des inclusions dès que leur nombre dépasse quelques unités : pour un mur en terre armée, avec des armatures de section 5 mm x 45 mm, à raison de 4 à 6 armatures par écaille de 0,75 m x 0,75 m, et pour un volume dont les dimensions sont de l’ordre de la dizaine de mètres, le nombre de nœuds d’un maillage qui respecterait la géométrie réelle des inclusions et qui donnerait une discrétisation acceptable dépasse les capacités de calcul actuelles. On peut donc proposer de représenter les inclusions par des éléments unidimensionnels (avec ou sans prise en compte des effets de flexion). Cette approche est critiquable au plan théorique, parce que l’introduction d’une densité linéique de force exercée par l’inclusion dans un milieu tridimensionnel n’est pas compatible avec la représentation classique des efforts intérieurs par un tenseur de contraintes. Elle est cependant utilisée, mais il faut être prudent dans l’interprétation des résultats, au moins pour ce qui concerne les contraintes au voisinage des inclusions.
Une solution alternative consiste à adopter des approches de type homogénéisation pour prendre en compte l’influence des inclusions sur le comportement global de l’ouvrage. Des modèles plus ou moins complexes ont été développés et implantés dans certains logiciels.
Quels que soient les choix effectués (calcul en déformation plane ou en condition tridimensionnelle, discrétisation des inclusions – par des éléments linéiques ou non – ou approche homogénéisée), il faut représenter l’interaction mécanique entre le pieu et le sol qui se produit au niveau du contact entre le sol et la paroi latérale du pieu, et aussi entre le sol et le pied du pieu. La modélisation de l’interaction mécanique au pied du pieu est particulièrement difficile à maîtriser. La modélisation d’un pieu unique par des éléments de volume, avec éventuellement des éléments d’interface avec le sol qui l’environne, donne des résultats qui dépendent du maillage et du modèle de comportement utilisé pour le sol. Il est, au minimum, nécessaire d’utiliser un modèle qui reproduit la rupture du sol en compression si l’on s’intéresse à la rupture du pieu. Les modèles de type Mohr Coulomb ou Drucker Prager, par exemple, ne sont pas adaptés dans ce contexte.
Dans certaines modélisations 2D ou 3D où les inclusions sont représentées par des éléments de barre ou de poutre, on associe à l’inclusion une extrémité fictive (par exemple un élément de poutre horizontal perpendiculaire au pieu), pour tenter de mieux représenter l’interaction en pied : il semble pour le moins indiqué de réaliser des études de sensibilité sur la dimension des éléments ajoutés pour vérifier la pertinence de cette approche.
Enfin, d’autres techniques de modélisation sont disponibles, qui proposent d’intégrer explicitement un modèle d’interaction pour le frottement latéral et un autre pour l’interaction de pointe via des éléments ad hoc.
Sans vouloir entrer davantage dans les détails, on attire donc l’attention de l’utilisateur sur le fait qu’il est amené à choisir entre des techniques de simulation numériques, et des modèles, qui ont une influence directe sur les résultats qu’il obtiendra.
A suivre : F.4 Effets hydrauliques
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