Modélisations et calculs aux éléments finis dans le domaine du génie civil - Bilan du groupe de travail 2016-2019
Le lecteur pourra se reporter également à la Partie 1 - D.3 Les phases de construction.
Le phasage structurel peut conduire à la modification :
Il peut concerner aussi bien les structures en élévation que les structures linéaires, longitudinalement ou transversalement, et bien sûr, la combinaison de tous ces cas est possible.
Cas A - Modification de la section résistante
C’est le cas lors de la mise en oeuvre des prédalles collaborantes autoportantes.
Dans la phase de réalisation, c’est la prédalle qui doit résister au poids de la structure (poids prédalle + dalle de compression). Ensuite, c’est le complexe [prédalle + dalle de compression] qui reprendra les charges ultérieurement mises en œuvre (superstructure, surcharges, …).
A l’ELS, il y a cumul des contraintes dans l’acier tendu, mais il n’y a pas de cumul direct des contraintes de compression dans le béton.
A l’ELU, la vérification est à réaliser pour la phase de bétonnage et pour la phase de service, mais sans prise en compte du phasage.
Cas B - Modification des conditions d’appui
C’est le cas d’une structure qui présente des appuis provisoires.
Il peut être associé à une modification de la structure résistante (exemple : prédalles collaborantes étayées).
→ Cumul des sollicitations
Phase 1 : Chargement sur la structure avec appui provisoire
Phase 2 : Retrait de l’appui provisoire
Phase 1 + Phase 2 : On retrouve bien une sollicitation finale identique à une structure non phasée.
Cette méthode permet de traiter la mise en place et le retrait d’appuis provisoires.
Il faut toujours faire attention aux conditions de déformation des structures lors de la mise en place d’appuis provisoires (mise au contact de l’appui provisoire sur une structure déformée)
Cas C - Modification de la continuité structurelle
C’est le cas d’une structure qui est clavée en cours de construction.
On calcule les sollicitations générées par les charges associées à un schéma statique, puis on cumule les sollicitations (s’il n’y a pas eu d’évolution de la section résistante) ou on cumule les contraintes (s’il y a eu évolution de la section résistante).
→ Cumul des sollicitations
Exemple :
Phase 1 : Poids propre repris par des travées isostatiques
Phase 2 : Surcharge reprise par une structure continue
Il faut faire attention à l’évolution des matériaux dans le temps. Dans le cas de structures en béton armé ou précontraint ou mixtes béton-acier, il faut prendre en compte le fluage (quantifiable par la différence entre la déformation instantanée et la déformation différée).
Dans l'exemple ci-dessus, avant clavage, la déformation de la structure correspond à une déformation quasi-instantanée. Après clavage, le béton réalise son fluage, tente donc d’augmenter ses déformations sous charge de longue durée, mais la structure est maintenant continue. Le bridages des déformations de fluage va ici générer sur l'appui un moment de continuité qui tend la fibre supérieure.
La prise en compte du fluage peut se faire de manière approchée (voir les documents du CEREMA sur le sujet) ou à l'aide d'un calcul EF avec fluage dit scientifique.
Les deux modélisations ont en commun le fait que le pont, pendant ses phases de mise en place, va voir la position des nœuds d’appuis varier en fonction de l’avancement du poussage ou du lançage. Potentiellement, tout nœud de la structure peut être, à un moment donné, un nœud d’appui. Les logiciels acceptant un pseudo-langage de programmation peuvent, dans ce cas, présenter un avantage pour créer des boucles incrémentales permettant de simuler l’avancement (par incrémentation des numéros de nœuds d’appui). Dans la mesure du possible, avoir des barres de longueur identique facilite le déplacement régulier des appuis.
La modélisation des avant-becs, dans les deux cas, ne pose pas de problème particulier : ce sont des barres métalliques, généralement des I, encastrés à l’about de la structure définitive.
Pont poussé en béton : Le calcul est un calcul phasé presque classique. Les tronçons coulés sur longrines à l’arrière du pont sont modélisés par des barres reposant sur des appuis resserrés non linéaires en Z (soulèvement possible). Les barres, avec leurs dates de coulage, et la précontrainte, de poussage ou définitive sont activées, au fur et à mesure. In fine, l’avant bec et une partie de la précontrainte sont désactivés.
Charpente métallique lancée : les modèles peuvent représenter de très classiques bi ou multi-poutres mais également des caissons. Les principales différences avec le modèle du pont poussé en béton résident dans le fait :
Lors de modélisation, lorsque l’on rajoute un tronçon à l’arrière de la charpente déjà réassemblée, il faut désactiver l’ensemble des barres et les réactiver en ayant rajouté le nouveau tronçon, sans quoi, il n’y a pas de continuité de la rotation au raboutage (figure ci-dessous) et la structure ne serait pas compatible avec le 3e point ci-dessus.
La modélisation peut aussi être réalisée par un phasage classique sous réserve de procéder à une « présentation » préalable des joints, ce qui consiste à trouver le décalage altimétrique des deux appuis 1 et 2 qui permet d’avoir la même rotation et la même altimétrie à chaque extrémité E1 et E2, schématiquement (figures suivantes) :
Translation verticale pour correspondance en Z des lèvres
Déplacement des appuis 1 et 2 pour générer une rotation du tronçon
Une fois ces opérations réalisées dans le modèle, la continuité est assurée.
Pour la lançage, une pratique consiste à modéliser les axes neutres de l'ossature et de l'avant-bec suivant une géométrie cumulant algébriquement la forme de l’intrados (rectiligne ou parabolique, par exemple), le profil en long et la contreflèche, à une altitude arbitraire choisie. Au cours de l'avancement de la structure, pendant le lançage, on impose aux nœuds situés au droits des appuis provisoires, une dénivellation correspondant au décalage altimétrique entre la géométrie décrite ci-dessus et l'altitude des appuis provisoires. On vérifiera que la charpente est au contact des appuis de lançage grâce au signe de la réaction d'appui. Un appui en tension signifie que la structure n'est plus au contact et qu'il faut libérer l'appui. Enfin, pour les accostages, il y a toujours deux cas à étudier, juste avant et juste après.
Dès lors que le phasage de construction d’une structure a un impact sur la distribution des contraintes sur les sections droites de la structure, il doit être pris en compte.
C’est le cas des structures construites avec un phasage transversal, où seules certaines parties de la structure voient les premiers chargements : cas des ponts mixtes, à poutrelles enrobées, à nervures avec hourdis coulé dans une deuxième phase, cas des dalles mixtes …
Dans le cas des élargissements, où une structure neuve (métallique ou en béton neuf) est connectée à une structure plus ancienne, la modélisation du phasage transversal et l'appréhension de la raideur relative des différents éléments est indispensable pour déterminer correctement les déformées de la structure et surtout les efforts de couture entre les structures.
Le cas des connexions différées entre plusieurs structures neuves est similaire: la prise en compte du fluage et du retrait s'avère indispensable pour un bon dimensionnement des efforts se développant dans les pièces.
On se reportera aux § 2.1 et 2.2 du Guide “Conception des ponts à haubans” du Cerema.
A suivre : C.16 Compléments liés aux calculs dynamiques et sismiques