Modélisations et calculs aux éléments finis dans le domaine du génie civil - Bilan du groupe de travail 2016-2019
Les méthodes classiques de conception et de dimensionnement des ouvrages géotechniques concernent, en majorité, l’analyse de la résistance vis-à-vis de la rupture d’un ouvrage isolé. Ces méthodes analytiques ou semi-analytiques ne prennent en compte que des géométries très simples, et fournissent peu ou pas d’informations sur les déformations du terrain qui entoure les ouvrages.
L'utilisation de plus en plus intensive de l’espace et du sous-sol urbains, occupés par des ouvrages variés proches les uns des autres, impose de maîtriser les interactions entre ouvrages. Le concepteur d’un ouvrage doit justifier que les déplacements induits par sa construction demeurent en-deçà de seuils fixés par le maître d’ouvrage. Les méthodes traditionnelles ne répondent pas à ce besoin, et cela explique le recours de plus en plus fréquent à la modélisation numérique, à l’aide de logiciels dédiés à la géotechnique et adaptés au travail en bureau d’études. De manière plus précise, la modélisation numérique est utilisée dans deux situations différentes :
Selon le cas, on utilise des modèles plus ou moins complexes, en tenant compte de l'incertitude sur le comportement des sols naturels et de leur variabilité spatiale. Cette incertitude se traduit par la difficulté de choisir un modèle de comportement et d’en déterminer les paramètres. L'utilisateur doit souvent faire un choix entre un modèle robuste, dont il comprend bien le fonctionnement, mais qui ne rend pas compte de toute la complexité du comportement du sol, et un modèle potentiellement plus fidèle au comportement réel des sols, mais comportant de nombreux paramètres dont le rôle est parfois difficile à cerner et qui sont difficiles à mesurer.
La philosophie des règles de dimensionnement encourage à la première approche, et à utiliser des modèles simples et robustes, et à assurer la sécurité du dimensionnement en affectant les résultats de facteurs appropriés et en effectuant des études paramétriques pour estimer la sensibilité des résultats vis-à-vis des paramètres, mais cette approche fait courir le risque de trop simplifier le problème rencontré, ou de conduire à des dimensionnements excessivement conservatifs, et inutilement coûteux.
L'autre approche consiste à utiliser des modèles de comportement qui tentent de mieux représenter les différents aspects du comportement des sols. Un très grand nombre de modèles ont été proposés, mais leur utilisation pratique reste difficile. D’autre part, il faut aussi lutter contre l’illusion d’avoir le modèle « universel » qui décrit tous les phénomènes. Il est nécessaire de cerner les limites du modèle retenu : un modèle élastique parfaitement plastique ou avec un écrouissage isotrope, même avec une surface de charge et une loi d'écrouissage complexes, ne permet pas de prédire une accumulation progressive de déformation dans un massif de sol.
L'utilisation des éléments finis demande donc de la part de l'utilisateur un recul critique sur le modèle de comportement du sol. Mais ce n'est pas le seul aspect important : le résultat des calculs peut dépendre de manière essentielle de la géométrie tridimensionnelle de l’ouvrage et de celle des couches de sol. Il est parfois (pas toujours) justifié de simplifier la représentation du comportement des sols et de privilégier celle du processus de construction. En tout état de cause, il conviendra de contrôler soigneusement les résultats des simulations numériques.
Enfin, il est clair que les ouvrages géotechniques sont constitués de terre, au contact de la terre, ou enterrés totalement ou partiellement, et que la modélisation numérique doit donc représenter l’interaction mécanique entre le sol et la structure.
Ce chapitre est organisé comme suit : il récapitule les principales spécificités des calculs numériques en géotechnique, avant de présenter succinctement les principes de vérification adoptés dans l’Eurocode 7. Une fois ces éléments présentés, on propose des recommandations visant à une bonne pratique des calculs par éléments finis en géotechnique. Il aborde également les spécificités des calculs en dynamique.
Ce chapitre présente un panorama des difficultés posées spécifiquement par les calculs par éléments finis en géotechnique, en statique ou en dynamique. Des précautions particulières doivent être prises pour la mise en œuvre des calculs, concernant le maillage, les conditions aux limites, le phasage, le choix des modèles de comportement et le calage des paramètres.
Moyennant une certaine habitude, et la préoccupation constante de contrôler les résultats obtenus, on est en mesure de traiter une large gamme de problèmes et d’ouvrages. Il reste cependant des situations qu’il est difficile et/ou coûteux de traiter numériquement.
En premier lieu, des difficultés peuvent provenir du fait que la structure mathématique des problèmes étudiés pose problème : en dynamique, le choix de pas de temps cohérents avec toutes les données du calcul reste délicat ; en statique, la gestion de plusieurs non-linéarités de natures différentes (contact unilatéral, endommagement) peut conduire à des difficultés numériques difficiles à surmonter.
Il faut aussi rappeler que la physique de certains phénomènes reste mal maîtrisée ou mal décrite, et le traitement numérique reflète cette situation : c’est le cas pour l’initiation et l’évolution des glissements de terrain, les conditions d’exécution des travaux comme le compactage des matériaux de remblai, l’état initial des contraintes, de la teneur en eau et d’autres paramètres liés à l’histoire des matériaux en place, etc.
Pour les références spécifiques, se reporter à la bibliographie :